Irlande / France : deux gestions différentes

Depuis toujours l’Irlande est reconnu pour sa qualité de pêche. Son réseau hydrographique et sa situation géographique permettent de pêcher principalement le brochet, la truite, la truite de mer, le saumon, le bar, lieu, perche. Etant donné que nous avons les mêmes espèces en France, depuis quelques années les différentes réglementations appliquées sur l’île verte font parler d’elles. Il pourrait être judicieux de comparer la protection de chaque potentiel halieutique et voir ce qui se passe chez nos voisins européens.

IRLANDE/FRANCE : LE CONSTAT DE 2 GESTIONS HALIEUTIQUES DIFFÉRENTES.


Certains diront qu’il est impossible de comparer l’Irlande à la France, et ils n’auront pas tort. Le potentiel halieutique est énorme, la densité de population et la pression de pêche très faibles.
Peut-être que les fédérations irlandaises (les « fisheries board ») anticipent et gèrent les problèmes du milieu à la base. Régler un probleme au plus vite, à la source, n’est-il pas la façon la plus éfficace pour éviter qu’il n’empire?

La mission de la « central fisheries board » ( l’équivalent de la FNPF en France) est d’une part, de s’assurer que la ressource concernant les eaux intérieures et maritimes soit conservée, gérée, développée et promue à part entière et d’autre part; de favoriser une activité économique durable générant la création d’emplois par le biais d’une activité de loisirs intéressante.

Les réglementations peuvent parfois paraître strictes et/ou infondées mais elles portent leurs fruits apparemment. Elles concernent la pêche du brochet et du saumon, 2 réglementations qui font leur preuve mais sont parfois l’opposé de ce que l’on peut trouver en France....


LE SAUMON :

Depuis les années 1980, de nombreux pays ont racheté les droits des pêcheurs professionnels afin d’alléger la pression de pêche.
Depuis 2007 en Irlande, la nouvelle réglementation saumon a fait coulé beaucoup d’encre. L’état irlandais a déboursé la bagatelle de 25 millions d’euros pour racheter les licences des pêcheurs professionnels. Cette interdiction touchait bien entendu la pêche du saumon au filet dérivant. Le nombre de licences est passé de 1550 en 2005 à 190 en 2009.

En contrepartie, le prix du permis a doublé mais actuellement la licence nationale ne coûte que 134 € à l’année. Et en 2008, sur les 148 rivieres à saumons listées, 86 ont été fermées, 22 sont passées en No-Kill permanent et 62 autres sont restées ouvertes. Cela peut paraitre très lourd mais nous arrivons à plus de 80 rivières à saumons sur un territoire qui est 8 fois plus petit que la France.

Eléments complémentaires :

- 10 bagues par pêcheur par saison ( 3 poissons du 1er janvier au 11 mai, 3 poissons par jour du 12 mai au 31 août maximum, 1 poisson par jour du 1er septembre jusqu’à la fin de la saison)
- La réglementation interdit aux pêcheurs d’utiliser des vers lorsque que la limite de 10 saumons est atteinte. L’utilisation d’hamecon simple devient donc obligatoire.

Depuis 2004, même si le nombre de licences récréatives vendues a diminué d’un tiers ( de 30000 en 2004 à 20000 en 2008), le nombre de saumons attrapés à la ligne est passé de 23 à 31000 poissons. ( +50% !!!)
C’est peut être une coïncidence mais au mois de septembre dernier sur la rivière Nore près de Kilkenny a été mis au sec un saumon avoisinant les 15kg, LE poisson de ces 2 dernieres décennies. Le dernier remonte à 1991 pour plus de 16 kilos.

Depuis 1996, il y a eu une vraie prise de conscience de la part de l’état irlandais devant des résultats en baisse. Au final en 2008, 31 118 saumons ont été prélevés par les professionnels et par les pêcheurs à la ligne. Cela représente une augmentation de 88 % comparés aux résultats de 2001 et 10 % par rapport à 2007.


LE BAR

La pêche au bar en Irlande est en pleine émergence mais les fisheries board n’ont pas attendu pour établir des règles strictes afin de conserver la ressource.
La plus grosse différence est que la pêche commerciale y est d’ailleurs interdite depuis 1990 afin de promouvoir sa pêche de loisir.
La pêche n’est fermée que pour 1 seul mois durant la période de reproduction en Irlande , du 15 mai au 15 juin de chaque année.
La maille est de 40 cm.
Afin de limiter la vente au noir des résultats de pêche, le prélèvement est limité à 2 bars par pêcheur par jour.


LES POISSONS BLANCS

- 4 poissons par personne par jour
- Interdiction de tuer les captures de plus de 25 cm.
- Interdiction de pêcher au poisson vivant pour limiter tout déplacement et importation de nouvelles espèces.
- Vente au magasin interdite


LE BROCHET

Voici quelques exemples d’une réglementation qui pourrait être appliquée en France :

Prenons le brochet, quand en France il nous est interdit de conserver un poisson de moins de 50 centimètres, en Irlande la maille est inversée et tous les poissons de plus de 50 doivent repartir à l’eau.
Nous devons gracier les petits poissons alors que leurs congénaires irlandais sont prélevables et au nombre de 1 par pêcheur par jour. A cela, vous ajoutez une pression de pêche importante, un prélevement quasi systématique pour encore trop de pêcheurs et vous obtenez les conditions de pêche que vous avez actuellement. D’autant plus que les petits poissons sont fragiles et sont dons remis à l’eau très abîmés, avec peu de chance de survie ( surtout après avoir été décroché par un pêcheur au vif). Supprimer un poisson qui mesure entre 50 cm et 1 mètre, c’est supprimer un très bon reproducteur, qui aurait produit de nombreux poissons de 45 cm l’année suivante.

Certes, le potentiel y était encore plus intéressant il y a 20 ans et c’est le pillage de pêcheurs allemands et français, qui a provoqué une véritable prise de conscience de la part des institutions irlandaises, et par conséquent la mise en place de ces nouvelles règles. Ces lois portent d’ailleurs leur fruit, et on assiste aujourd’hui à un retour en force du brochet, de la perche et du saumon.
Il y a aussi de nombreuses limites sur le nombre de poissons blancs prélevables, transport de poissons vivants et pêche au vif interdite, pas de pêche professionnelle sur le brochet, maille de 25 minimum pour la truite…..
N’oublions pas un des facteurs primordiale, c’est le fait que les pêcheurs de brochet irlandais pratiquent en No-kill pour plus de 80% d’entre eux, voir plus.

Nous arrivons ensuite à 2 questions qui touchent le cannibalisme et la reproduction du brochet :
Le brochet est mature à 2 ans (45cm) pour le mâle et 3 ans (55 cm) pour la femelle. Les jeunes reproducteurs auront les taux de reussite à l’éclosion des embryons le plus élevé. Comment pouvons nous expliquer, qu’en France l’on puisse prélever un Brochet de 50 cm alors qu’il ne s’est pas encore reproduit, ou peut-être une fois. Où est l’intérêt de pouvoir prélever un poisson qui n’a pas pu regénérer son milieu ?

Voici quelques exemples de cannisbalisme chez le brochet :
• La production du brochet n’existe pas en élévage intensif car le cannibalisme est présent très jeune. Les pertes, trop importantes, sont souvent causé par un alevin mort étouffé en ayant essayé d’en gober un second, mort à son tour.
• Certains pêcheurs ont deja vu se faire attaquer un petit brochet qu’il combattait et le voir partir au travers de la gueule d’un poisson de 70 cm voir moins.
• Il m’est arrivé de piquer et décrocher un brochet de 40 cm avec une imitation de brochet de 25 cm...

Tout ce que l’on peut dire, c’est qu’il y a très certainement en France, beaucoup plus de brochet de – de 50 cm qui sont prélevés naturellement par leurs congenaires, que ceux relachés par les pêcheurs. Le problème vient de ces poissons matures, ou presque, que l’on peut prélever en toute légalité en France… au détriment de la reproduction et de notre potentiel halieutique lui aussi impressionnant !

Certes certaines réglementations seraient difficilement applicables en France mais il y des choses que les institutions françaises pourraient copier sans problème sur nos voisins. Ne devrait-on pas évoluer vers une éventuelle européanisation de la gestion halieutique ?


Geoffray BEGARD